❝ PÉCHÉ PASSION, PASSION POISON, D'AMOUR OU DE RIEN. UN RIEN QUI COULENT D'EN HAUT. SI HAUT, TROP HAUT. PRÉSENTS MAUDITS, VOILA VOTRE PÈRE QUI PLEURE VOTRE SALUT. ❞

Il souffle, de plus en plus fort. Il griffe sa peau sans qu’il n’y prête attention, il se laisse faire l’Alex. Ses respirations sont difficiles, si paisible à la fois. Paradoxe unifié, sous le chaos naissant des éléments, le jeune homme se sent vivant. Debout face à l’immensité, les yeux clos, le corps balayé par le vent dément qui renforce sa rage à chaque seconde qui s’écoule, il revit le passé. L’Avant est un monde magique, un monde ailleurs. Flot de souvenir d’antan qui l’assaille, Alex revoit les multiples étés passés en Floride, sous la surveillance légère de ses grands-parents. Il adorait alors observer les tempêtes, les voir naître doucement, prendre de plus en plus de puissance. Fascination étrange pour les vents mortels qui souillaient la tranquillité des locaux, le jeune garçon de jadis se rendait toujours sur la plage près de la villa familiale. Face à l’océan, le cœur ballotté par les bourrasques et les embruns, il se sentait enfin vivant. Souvent, une petite main venait s’accrocher à la sienne. Des petits doigts se nouaient aux siens, d’une douceur enfantine, d’une chaleur tendre qui lui rappelait le danger de cette beauté indomptable qui lui faisait face. Il serait alors la petite main très fort contre la sienne, dans un gage silencieux : une promesse inaudible d’être toujours présent pour ce petit être qui se tenait près de lui. Juliet. Les yeux brûlants de larme à peine contenu, laissant le passé lui glisser entre les doigts, l’Alex ouvrit les yeux. Une rafale le gifla le visage, emportant les gouttes salés qui restaient encore à la lisière de ses paupières. L'Avant lui manquait. Dans cet espace, quoique un peu terni par la vie, il avait su trouver des dragées de bonheurs. Que ce soit dans les bras maternels d'une tendresse excessive ou dans la confiance écrasante de son père, il avait su devenir un homme bien. Que ce temps lui paraissait loin, si loin de tout ... Aujourd'hui, le petit être innocent qui s'arrimait à lui en riant sous le vent n'était plus qu'un cadavre à la respiration fatiguée immobilisé sur son divan, ses grands espoirs d'avenir sucré et aimé s'effritait de jour en jour. Érosion de ses rêves contre une réalité trop salé. Image vivace, Alex se voyait être un morceau de verre oublier sur le sable un été, sous les vas et viens constant de l'océan, il se polissait, devenait foncièrement diffèrent. D'une brillance incertaine, d'une dureté transparente et tellement plus fragile.

Elle glissa de si haut qu'il fut impossible de savoir avec exactitude d'où elle venait. Elle transperça les amas de coton grisonnant comme une lame découpant une chair. Sa chute, vertigineuse, effréné, gagna en vitesse à mesure qu'il s'approchait du point d'impact. Elle serait suivit de centaines d'autres, qui dis-je, de milliers d'autres. La solitude lui était à jamais inconnue. Anonyme aux émotions : elle transperçait, s'explosait et disparaissait. Invariablement. Pourtant, pour la première fois, elle ne se brisa pas sous l'impact. Elle glissa. Caressant une joue rugueuse, se laissant larme, la petite goutte caressa le visage d'Alex avant de se perdre dans le sable. Premier soldat d'une armée surpuissante, les autres ne tardèrent pas à suivre. Plus hargneuses, plus fortes, elles recouvrirent la place rapidement. Trop rapidement. Les nuages se rapprochèrent encore plus des hommes, se noircirent solennellement, faisant taire le soleil. Le vent, féroce adversaire, se fit plus rigide. Chaque bourrasque s'emplissant d'eau, mélange savamment constitué de sable, de sel et d'eau. Les hommes sur la plage devinrent en quelques secondes à peine de petits poupons de chiffons, tremblant sous la colère des éléments.

En une minute, le déluge s'abattit sur le corps lasse du jeune homme. Immobile, il sentit l'eau tiède traverser ses vêtements jusqu'à atteindre sa peau. Relevant le visage vers les cieux, tentant de nettoyer son âme avec les pleurs du Divin, il apprenait à voler. Sa silhouette déliée dansait avec la houle, désarticulée. Un grondement sourd déchira la quiétude anarchique qui régnait, transformant l'ensemble en un mélange explosif. L'homme face à la mer, les vagues déchaînées, lui perdu dans le vague, Alex eut un sourire triste. Sans aucune raison apparente, dépourvu de toute envie de survivre, il ne bougeait toujours pas face à l'hécatombe naissante. Un éclat pourpre sur sa droite, lui fit tourner la tête. Une femme courrait vers le petit restaurant qui bordait la côte, ses cheveux blonds se plaquèrent contre ses yeux. Imitant l'inconnue rougeoyante, l'Alex lui emboîta le pas. A l'abri, il devait se mettre à l'abri. A défaut de sauver son âme, il pouvait surement sauver sa vie.