with them

Tu ne te sens pas à ton aise, tu es mis à l'écart et tu te sens seul. Pourtant tu as une famille, deux frères, mais tu n'as pas ce sentiment d'intégration qu'un membre d'une fratrie devrait ressentir. Avec tes parents constamment absents, ton vrai frère jumeau avec qui tu ne t'entends pas à merveille. Au final il ne te reste que ton autre frangin. Et encore tu ne passes pas énormément de temps en sa compagnie. Né en premier parmi les trois, tu as toujours été le plus dur, le plus solitaire et renfermé, bien qu'à école tu sois un joyeux luron, un garçon normal. Sauf qu'en toi tu as un besoin de te trouver,de chercher ta voie et finalement c'est l'armée qui t'ouvrit ses bras. À table, en famille, tu ne sais pas comment annoncer la nouvelle. Quoi qu'au fond, tu sais qu'ils ne sauront pas touchés, du moins c'est ce que tu penses. Du coup tu te racles la gorge, attire l'attention sur toi et tu balances. « Je viens d'être engagé à l'armée, je souhaite faire mon service militaire, j'ai eu la réponse et je pars ce soir. ». La bombe a été larguée et les réactions ne se font pas attendre. Ton vrai frère jumeau s'enflamme, l'autre tente de comprendre et finalement approuve, puis tes parents n'émettent aucun avis précis. Ta décision est prise et elle est irrévocable. Tu veux partir loin d'ici, quitter Acapulco, ville où tu vis depuis l'âge de tes sept ans et te lancer dans la vie. Devenir un homme. Au final tu ne sais pas réellement ce qui t'a poussé à t'engager. Tu as sans doute besoin de te prouver quelque chose, d'avoir de la reconnaissance et servir tout bonnement ton pays. Jamais tu regretteras ton choix, car c'est la vie que tu as décidée de vivre. Tu abandonnes les tiens et tu ne sais pas comment sera perçu ton retour parmi eux.

with her

Elle est dans ta classe depuis que tu es môme et pourtant tu n'as jamais eu les couilles d'aller la voir. Un lâche ? Non, tu n'en es pas un, mais tu es juste légèrement timide et surtout un pauvre crétin. Mais comme tous les ados de ton âge, tu dois faire face aux poussées d'hormones et à cette drôle de sensation qui te traverse lorsque tu l'as vois. Elle est si belle, talentueuse, intelligente, drôle. À côté tu es le pauvre con qui lui a mis de la colle dans les cheveux à l'âge de sept ans, celui qui lui faisait manger des verres de terres à dix, celui qui l'a martyrisé tellement tu en étais dingue. Ne vous aies-je pas dis qu'un jeune garçon est con lorsqu'il est amoureux ? Mais avec le temps tu as grandi, sauf que tu as toujours cette fierté, la peur que tes potes rient de toi. Sauf que ce soir tu dois saisir ta chance. C'est le bal de promo et tu as déjà fait le premier pas en l'invitant. Tu étais même étonné qu'elle ait répondu positivement. Costard, cravate, tu loues une limousine pour aller la chercher. Pile à l'heure, tu arrives devant chez elle. Et c'est avec un air coincé que tu sonnes. Elle est magnifique. Elle débarque et t'éblouit. Tu ne sais pas quoi dire, ni faire et tu restes comme un con bloqué devant la porte. Finalement tu lui tends ton bras comme pour l'inviter à te suivre. Tu n'échappes pas au regard tueur du père qui vous surveille jusqu'à ce que tu quittes la rue en sa compagnie. Arrivé au bal tu joues le mec timide. Tu salues de loin tes potes qui sont dans le même cas que toi. D'un côté ça te rassure. Puis enfin tu rentres dans le gymnase avec la fille la plus belle du collège à ton bras. Au début gêné, finalement elle sait te mettre à l'aise. Souriante, bavarde, rapidement l'ambiance se détend et tu te vois même l'inviter à danser. Un slow. Tu souris. Bras enlacés autour de sa taille, tu te permets même de lui susurrer à l'oreille. « Tu es magnifique ! ». La soirée idéale, parfaite. Tu en rêves depuis des années et voilà que ce moment arrive. Le moment où tu vois dans son regard qu'elle a envie de bien plus. Approchant ses lèvres des tiennes, tu es tout excité. Le premier baiser . Tu es aux anges et amoureux. Cette fille sera la femme de ta vie. Tu le sais malgré le petit côté flambeur que tu as. Elle sera la seule et l'unique jusqu'à ta mort.

Tu es dans le camion à l'arrière entassé avec d'autres soldats de ta compagnie. Arme en main, vous êtes prêts à faire face devant l'ennemi. Soudain une explosion et c'est le début du cauchemar. Tu te réveilles en sursaut, sueur perlant sur ton front et le souffle coupé. Une nouvelle nuit où tu te ressasses cette journée. Cette journée qui a marqué ta vie à jamais. Cette journée où tu te crus mort. Personne ne peut comprendre ce que tu as vécu au front, personne hors mis les soldats qui t'accompagnaient. Et encore. Chacun à sa vision des événements qui se sont déroulés là-bas. Ta femme qui se trouve à tes côtés se réveille en même temps que toi. Elle ne comprend pas. Elle est tout aussi perdue que toi. Elle a l'impression de t'avoir perdu. Et tu as la même impression qu'elle. Une nouvelle fois perturbé, elle tente de te calmer, de te parler. « Chéri ... parle-moi. Tu sais que tu peux tout me dire .. » Sauf que tu l'ignores. Comme tu le fais depuis que tu es rentré de mission. Ta vie de couple ne tient plus qu'à un fil et pourtant tu l'aimes, tu l'as toujours aimé et tu l'aimeras encore. Mais les choses sont différentes. Tu as changé, tu es différent et tu n'es plus apte à vivre une vie telle que la tienne. Un rien t'effraie. Tu marches dans la rue, tu as peur. Déboussolé, paumé, tu te sens seul. Tes amis t'ont rejeté, ta famille et ta femme, tu n'oses même pas la regarder dans les yeux. Personne pour te comprendre, te soutenir. Tu perds souvent la boule et pars en cacahuète. Tu pètes des câbles sans raison et tu quittes précipitamment le domicile familial. Encore ce soir après avoir évité une nouvelle fois ta femme, tu t'en vas. Habillé d'un simple caleçon te servant de pyjama, tu traînes dans les rues sans savoir où tu vas, ni ce que tu fais. Le peu de gens qui te croisent te dévisagent, s'échangent des messes basses à ton sujet et ça te met hors de toi. Ta tête. Encore ta tête. Celle-ci te fait souffrir, tu as mal et tu as l'impression de te faire écraser par une remorqueuse. Tu ne sais pas quoi faire pour que cela cesse hors mis te réfugier dans une ruelle sombre. Là au moins tu es tranquille. Peu à peu tu retrouves ton calme et t'allonge sur le sol humide et sale. La fatigue revient et tu t'endors sans te poser de question. Pour une fois que tu trouves le sommeil. Et chaque nuit c'est le même cinéma.

Tu n'oses même pas la regarder dans les yeux tellement ça te déchire le coeur. Tu n'en peux plus de vivre comme ça et tu as simplement envie d'en finir. Mais tu dois penser à elle, à son bonheur, à son futur. Quand tu l'imagines, tu n'es qu'une ombre, un boulet qui la retient et ça te presse encore plus le coeur. Tu ne veux pas d'une vie comme celle-ci pour elle. Elle mérite mieux que de l'épave que tu es devenu. Tu ne la touches plus, tu ne lui dis plus je t'aime, tu ne la regardes plus, mais tu sens qu'elle est blessée, triste et ça te rend fou. Tu es la cause de son désespoir. Du coup tu veux lui redonner sa liberté, une vie, un avenir. Pour cela il n'y a pas trente six mille chemins à emprunter, juste un. Rien que d'y penser, ça te donne la nausée. Ça fait des semaines que tu y penses, que tu te prépares, mais tu recules toujours le moment. Sauf qu'il est temps. Face à elle, tu oses enfin, depuis des mois, poser ton regard sur elle. Ses yeux. Ils sont magnifiques et tu en avais oublié la beauté. La conversation débute et ça ne va pas fort. Je n'arrive pas à trouver les mots, peut-être parce qu'au fond ils ne veulent pas sortir. Mais arrivé à un tel stade, je n'ai plus le choix et je dois le faire, je dois le dire et cela à haute voix. J'inspire. « Je m'en vais. Je m'en vais, car tu as trop souffert par ma faute. Quand je te regarde, je vois le mal que je t'ai causé et la vie que tu rêves d'avoir. Jamais je ne pourrais te l'offrir. Tu mérites bien mieux que moi ..., je ne suis qu'un monstre, un lâche ... . Il me faut le temps pour me reconstruire, découvrir qui je suis ... . J'espère que tu ne m'en voudras pas pour ce que je vais te faire ... ». Les mots se sont finalement enchaînés. Tu veux pleurer. Intérieurement tu pleures. Mais aucune larmes ne coulent. Tu es brisé, anéanti, mais c'est le prix à payer pour qu'elle soit heureuse. Dans ta tête, ce n'est pas possible avec toi. Pas depuis que tu es de retour. Pas avec l'homme que tu es devenu. Tu serres des dents et des poings pour contenir ta douleur. Tu souffres, mais c'est un mal pour un bien. Du moins, tu le penses. Doucement, légèrement, tu approches ton visage du sien. Ta bouche frôlant son oreille, tu lui murmures. « Je t'aime ... ». Et tu te retournes, tu t'en vas.