Je reviens pour la première fois devant notre maison. Le coeur serré, la boule au ventre, j'observe la demeure qui fut notre cocon à une époque. J'y ai vécu mes plus belles années, mais également mon plus gros déchirement. C'est ici qu'il y a un ou deux mois, je me suis séparé de celle qui faisait battre mon coeur. Elle le fait toujours battre d'ailleurs. Car malgré ma décision de m'éloigner d'elle, je l'aime encore. C'est quelque chose qui ne pourra pas changer. Et parce que je l'aime, je me devais de la laisser vivre. Avec moi dans sa vie, elle ne profitait plus de celle-ci. Elle n'avait pas besoin de me le dire, ça se voyait à travers son regard. J'ai donc pris la décision la plus difficile de toute mon existence. Je ne sais pas si je le regrette ou pas. Une chose est sûre je souffre. Sauf que je ne peux pas lui dire, lui en parler. Elle doit conserver cette liberté, être heureuse et fonder la famille de ses rêves. Chose qui n'est pas possible avec moi. Depuis que je l'ai quitté dans cette maison, ma raison me dit de lui envoyer les papiers du divorce pour qu'enfin officiellement elle puisse repartir de zéro. Mais quelque chose au fond de moi me bloque et m'en empêche. Je n'y arrive pas. Du trottoir d'en face je fixe cette bâtisse qui fut mienne il y a peu. Qu'on me prenne pour un psychopathe, un pervers ou un fou, je m'en contrefiche. Voilà une heure que je suis planté dans la même position, immobile, figé. Je suis bien et je n'ai pas envie de bouger. Je ne sais pas ce que j'attends, espère. Dans ma tête rien n'est clair, tout est flou. C'est un véritable bordel et j'ai réellement besoin d'y mettre de l'ordre. Finalement je me résous à quitter ce quartier qui regorge de beaucoup trop de souvenirs. Sauf qu'une voix m'empêche de faire un pas de plus. « Floyd, Floyd ... ». Je ressens de la tristesse dans celle-ci et j'ai un pincement au coeur. Je décide de me retourner et de lui faire face. Le visage figé et dénué d'émotions, je la fixe d'un regard vide. Tout en baissant la tête et en lui faisant volte face, je dis. « Je n'aurais pas dû ... venir .. ».

Deux mois. Aucune nouvelle. Aucun signe de vie. Aucun appel. Il est comme mort. En fait, je ne sais même pas s'il est mort et je n'en saurais rien. Ça me tue tout simplement de passer à ce statut d'inconnu. J'en ai peut-être mis du temps, mais j'ai fini par admettre que je n'étais plus sa femme, qu'il ne voulait plus de moi. J'ai séché mes larmes et c'est sans grande conviction que j'avance dans l'avenir. Seule. Seule dans cette maison qui autre fois fut la notre. Oui, une grande maison pour moi toute seule, c'est stupide. Surtout quand on sait que dans le fond, cette maison signifiait élever nos futurs enfants, mais bon faut bien si faire on en aura pas, du moins pas ensemble. J'aurais peut-être du la vendre et partir, mais je n'ai même pas sû m'y résoudre. Je n'ai rien touché, tout est à sa place. De ses caleçons à sa brosse à dent. Je n'autorise même pas Tigra à dépasser le stade du salon quand il vient. Toute façon, je préfère allez chez lui, j'aime pas la présence des gens dans ma, non notre maison. Il y a eu tout une vie, tout un semblant de souvenir que je ne veux pas oublier, alors je  ne veux personne. Ma tasse de thé dans les mains, je regarde la photo de notre mariage que j'ai malgré tout laissé dans le salon. Même si notre mariage a prit fin, je n'en garde pas un mauvaise souvenir, je n'éprouve même pas de la rancune parce que sur cette photo nous étions heureux. Puis je reporte mon attention sur la télé, pas pour très longtemps parce que comme d'habitue, j'ai la bougeotte. Rester sur place à ne rien faire, c'est pas vraiment fait pour moi. Alors, je vérifie que la cuisine est propre, qu'il n'y a rien à faire. Rapidement je nettoie la tasse de thé, puis je prends le sac poubelle pour le mettre à l'extérieure. Après que je l'ai jeté, mon visage se relève et je suis surprise de ce que je vois. Un dos. Un simple dos, mais que je serais capable de reconnaître n'importe où. Il est entrain de partir et je ne veux pas qu'il s'en aille. Ma bouche échappe un son, un cris, je l'appelle. Il m'a entendu. Il se retourne. Mes membres tremblent, je suis toute bizarre. Ce visage, ses yeux, même dénué de sentiment, il m'a manqué. Les larmes aux yeux, j'en déduis qu'il m'a manqué plus que je ne le pensais. Je souffle. J'essaye de faire comme lui, de ne rien montrer, de ne pas me dévoiler. « Je n'aurais pas dû ... venir .. » Il cherche une excuse, il veut fuir, mais cette fois je ne le laisserais pas partir. Ca suffit de le laisser faire ce qu'il veut, je suis quelqu'un après tout et j'ai le droit d'avoir des explications. Puis même s'il ne veut plus de moi en temps que femme, il n'empêche que j'ai besoin de sa présence, même en ami. « Floyd, soit un adulte et reste. Tu me fatigues. » Je l'attrape par la main et je l'empoigne, de manière à ce que je le traine dans la maison.

Je ne me rappelle même plus pourquoi j'ai mis les pieds ici. Peut-être me rappeler ce qu'était ma vie avant ce merdier. Et bien c'était une erreur. J'ai l'impression d'avoir la poitrine compressée. Je ne sais pas ce qui m'est passé par la tête. Je ressens que de la douleur, de la peine, de la tristesse. C'est une souffrance d'être en ses lieux et de voir ce que l'on a quitté, perdu par sa faute. Je suis la cause de ceci. J'ai brisé mon mariage, j'ai causé beaucoup de peine à ma femme, la seule femme en ce monde que j'aime et que j'aimerais, j'ai détruit les rêves qui l'habitaient et notre avenir. Aujourd'hui je suis bon qu'à vagabonder dans les rues en ruminant et en me lamentant sur mes tords. Je remets en question mes choix, ma décision d'intégrer l'armée de terre. Pourtant ce fut un choix de carrière mûrement réfléchi. Je voulais le faire, me battre pour mon pays, être la fierté de ma famille, accomplir quelque chose de noble dans ma vie. Au final je récolte ce que j'ai semé. Une vie brisée. Je ne sais plus quelle route emprunter, le chemin à prendre pour ma rédemption. Je ne sais pas ce que je vais faire de ma vie. Encore faudrait-il qu'il m'en reste une. Car ma vie auparavant, c'était elle. Donc revenir dans le quartier où nous avons vécu me rappelle le mal que j'ai causé. Je veux quitter cet endroit, repartir, mais sa voix m'en empêche. Pourtant je lui affirme que je n'aurais pas dû venir, que c'était une erreur. Mais j'aurais dû m'en douter qu'elle ne me laisserait pas faire, qu'elle v voudrait à nouveau me faire face. « Floyd, soit un adulte et reste. Tu me fatigues. ». Elle attrape ma main et à ce contact mon corps se fige. À ce moment j'aimerais tant pouvoir extérioriser ma peine, pleurer à chaudes larmes, me morfonde dans ses bras et lui présentant des excuses. Mais je suis incapable de bouger, même mes lèvres qui veulent lui répondre peuvent sortir un mot. Elle doit être lassée de mon comportement, de mon attitude, de l'homme que je suis devenu, ou plutôt l'épave. Elle ne va pas m'attendre éternellement, qui sait, peut-être qu'elle va déjà voir ailleurs. Plus que je la repousse, plus elle s'éloigne de moi. Pourtant ce n'est pas ce que je désire. Au contraire. Mais j'ai l'impression d'avoir des forces obscures en moi qui m'empêche d'être moi-même. La tête baissée, je finis par planter mon regard dans le sien et me retourner. À chaque fois que je la revois, j'ai le coeur qui se brise et mon esprit qui s'embrouille. « Je reste ... ». Pour une fois que je fais ce qu'au fond j'ai envie et non ce que je dois faire par raison. Car ce n'est pas raisonnable de rester, de rentrer dans cette maison à nouveau et d'avoir une conversation avec elle. Pourtant je m'exécute et je la suis.