Assise à ton bureau en train de regarder tes mails, tes yeux se posent sur le calendrier qui se trouve à côté de toi. 16 juin. Tu restes stoïque un moment avant de lever les yeux vers ta secrétaire qui était devant toi, depuis combien de temps ? Aucune idée, mais en tous cas elle avait l’air d’attendre une réponse de ta part, alors que tu n’avais même pas capté la question.

Tu te contentes de lui dire merci, que tu y penseras, espérant qu’elle tourne les talons pour retourner à ses occupations, peut-être qu’elle te demandait si tu allais bien, d’ où l’expression sur son visage en sortant.

Après quelques secondes, tu ouvres l’un des tiroirs de ton bureau et en sort un paquet de feuilles de toute taille, les plus mal rangé les unes que les autres, mais ce n’était pas ça que tu voulais, toi tu voulais un petit paquet de feuille, ou plutôt des enveloppes que tu avais pris soin de ranger dans ton tiroir où tu fourrais tout, de façon à ce que tu puisses le sortir une fois par an. Lorsque tu mis la main sur le paquet si joliment empaqueté, tu te lèves pour aller fermer ton bureau à double tour pour être sûr de ne pas être dérangée et retourne à ton bureau.

Tu te saisis des enveloppes et en cherche une bien distincte. La voilà. Sur cette enveloppe est écrit seulement une chose « 25 ». Tu serres l’enveloppe près de toi avec les larmes aux yeux, parce que tu sais que ce qui se trouve dedans, va encore changer ta vision des choses.

« Ma chère Cayenne,

Si tu lis cette lettre c’est que tu auras déjà atteint ton 25éme anniversaire, si ce n’est pas le cas, j’espère que ton père va te botter les fesses. Comme tous les ans depuis ces 24 dernières années, tu as reçu des lettres venant de moi dans le seul but qu’on puisse garder un lien malgré le fait que je ne sois plus là. Malheureusement je ne peux pas voir ce que tu es devenue aujourd’hui, mais je suis sûre que tu es devenue la jolie jeune femme que moi et ton père ont tant espéré que tu deviennes. En parlant de ton père, comment va-t-il ? J’espère que vous êtes aussi proche que je le souhaite, tu sais à quel point il tient à toi et je suis sûre que tu dois être son portrait craché aujourd’hui… »

Des larmes coulent sur tes joues et tu arrêtes de lire. Tu te rends compte à quel point lire les mots de ta défunte mère te font plus de mal que de bien. Tu aurais tellement aimé qu’elle soit là pour voir comment se portent les choses, pour voir à quel point tu as besoin d’elle et à quel point elle te manque, au lieu de ça tu te retrouvais une fois de plus toute seule avec pour seule compagnon, tes larmes, comme chaque année, même si les vrais raisons pour lesquelles tu pleures à cet instant précis, est parce que tu te rends compte à quel point tu es loin de ce que ta mère aurait espéré, mais en même temps, est-ce vraiment de ta faute ?

Fût un temps où tu passais tout ton temps à essayer de te faire aimer de ton père qui a toujours été froid et distant avec toi, un peu comme si rien que le fait de voir ton visage le révulsait au plus haut point alors que la seule chose dont tu avais besoin était d’un père, sûrement parce que tu lui faisais penser à ta mère, mais était-ce une raison suffisante pour te haïr à ce point ? Pour limite t’en vouloir ce qui est arrivée à ta pauvre mère ? Elle est morte quelques semaines après ta naissance, elle savait que cet accouchement était risqué mais avait quand même voulu te sauver la vie, c'était elle ou toi et elle t'a choisis toi, t'aurais tellement voulu qu'elle se choisisse elle à ta place. Tu te dis que peut-être, ton père aurait été plus heureux, ou du moins, qu’il soit heureux tout court.

Pendant toute ton enfance, il t’a fait passer de nounou en nounou, sous prétexte qu’il avait un emploi du temps à respecter et qu’il ne pouvait pas se permettre d’être en retard dans son boulot, pendant ce temps, toi tu devais essayer de faire comme si tout allait bien alors que tu étais quasi orpheline, ton supposé père n’a pas cessé de te fuir depuis ta naissance, c’est à peine si tu le connais, de lui tu n’as que son nom. En même temps, le fait qu’il ne s’immisce pas dans ta vie t’auras permis de te forger ton propre caractère, quand bien même tu souffres de l’absence d’affection connu durant toute ta vie, d’où le fait que tu enfiles les histoires sans lendemain et dès que tu commences à t’attacher à quelqu’un, tu fuis. L’argent n’achète pas tout, mais avec celui de ton père, en plus de celui de ton boulot, tu n’as besoin de personne, ce sont les gens qui ont besoin de toi, ce sont eux qui viennent te chercher et non le contraire. Cela peut paraître prétentieux, mais c’est grâce à cette pensée que tu tiens, tu te dis que peut-être un jour, ce sera ton père qui fera le premier pas vers toi, sans que tu ne t’y attendes, pour le moment, tu te contentes de dépenser son argent en parlant de lui le moins possible. Si seulement ta mère était là.

Ta vie ne se résume qu’avec des « peut-être » et des « et si » et pourtant voilà où tu en es aujourd’hui, tu travailles comme manager et passe ton temps à essayer de découvrir d’autres talents, tu vis de ta passion pour l’art et notamment pour la musique, même si tu sais qu’au bout d’un moment, ce ne sera pas suffisant, mais pour l’instant, tu t’en contentes.