si je devais résumer ma vie en un mot, je dirais compliquée, je pense. ouais, elle est clairement très compliquée. surtout depuis quelques temps. depuis plus d’un an, en fait. presque deux ; sa mort.

« sid.. sid, tu.. tu dois venir chercher jon.. noa s’est fait renverser.. » un bourdonnement sourd prend place dans mes oreilles après ces mots. j’entends plus rien. je monte dans la voiture, je sais où aller chercher jon. je sais où elle est. je sais où ils sont. je panique. je conduis vite, brusquement. je manque de me tuer au passage. tuer. tué. oh, seigneur, pitié, dis-moi que noa a survécu. rends-le-moi paralysé si ça te fait plaisir seigneur, mais rends-le-moi. laisse-le-moi. tu peux pas me le prendre, pas comme ça, pas d’un coup. j’arrive sur les lieux. je cours ramasser jon. ramasser, c’est le mot. elle est par terre, à sangloter, à pousser tous ceux qui essayent de la toucher. ça ne présage vraiment rien de bon. oh non, rien. moi, elle me laisse la toucher. je la relève, sans un mot, on rejoint tout le monde à l’hôpital. (..) je n’ai pas versé une larme depuis son décès. pas une seule en deux semaines. même pas quand j’étais seul. même pas sous la douche. même pas dans mon sommeil. sommeil ? quel sommeil, au juste ? j’ère dans les rues de venice, seul, toute la nuit. je marche, les mains dans les poches, sans but, sans destination. tout le monde s’inquiète pour moi. moi et mes cernes. moi et mon manque de paroles. moi et mon absence de réactions. ils veulent me traîner chez le psy. ils veulent à tout prix m’en faire parler. ils s’inquiètent tous. tous. jon, elle, ne fait pas la même erreur que les autres. jon, elle, me connaît. jon, elle, se contente de me prendre dans ses bras, sans rien dire. jon, elle, écoute ce que crie mon cœur sans que mes lèvres bougent. jon, elle, me comprend.

on se connaissait depuis des années, autant dire depuis toujours. on a presque échangé nos couches culottes, et nos biberons, eux, c’est sûr qu’on les a échangés. même, quelques années plus tard, on s’est mis à échanger nos gonzesses. bros before hoes. noa, noa. c’type, c’était mon frère. qu’est-ce que j’dis ? c’est mon frère. il est et restera mon frère, toute la vie, pour toujours. « jusqu’à ce que la mort vous sépare », ça s’applique pas à nous. il reste en moi, parce qu’il est une partie de ma vie, une partie de mon être. une partie brisée, mais néanmoins toujours présente. il a beau être parti, jamais je ne l’oublierais. jamais. c’est noa, c’est ma vie. au jour d’aujourd’hui, en septembre 2013, je n’ai toujours pas pleuré.

notre trio, il est un peu à la harry potter. j’suis harry alors qu’eux, mes meilleurs amis, sont ron et hermione, et sortent ensemble. tu m’suis ? le truc, c’est qu’à la fin de l’histoire, j’finis pas avec ginny, mais avec hermione après la mort de ron. pas très conventionnel. des fois, j’culpabilise un peu. des fois, j’m’en veux. des fois, j’ai honte. et le reste du temps, ouais, tout le reste du temps, j’suis heureux, épanoui, amoureux. et nostalgique, un peu. j’y peux rien, moi, après tout. ça s’est fait comme ça. ça s’est fait tout seul. j’pensais pas, moi, qu’on pouvait être, jon et moi, encore plus proches que ce qu’on l’était déjà. et pourtant. à croire qu’il a fallu que noa, paix à son âme, disparaisse pour qu’on se rapproche encore plus. j’nous revois, main dans la main, des baisers volés, baisers dissimulés. j’les revois, les regards dégoûtés de notre entourage. j’les entends encore, les critiques. (..) « je vous déclare maintenant mari et femme, vous pouvez embrasser la mariée. » mes lèvres sur les siennes, qui la butinent tendrement, comme jamais. amoureusement, comme jamais. qu’y a-t-il de plus heureux qu’un mariage avec son premier amour ? sans doute le fait qu’il ne se passe pas à l’arrachée, à las vegas, sans famille, sans personne, avant un départ précipité, avant de fuir.