Selon certains mythes, chaque être humain possède un ange. Un gardien au-dessus de nous. On ne sait pas quelle forme il peut prendre. Leurs apparences peuvent être si trompeuses. Ils peuvent être aussi féroces que des dragons qu’inoffensif qu’une fourmi. Pourtant, ils ne sont pas là pour se battre à notre place. Mais pour chuchoter depuis les feux de la rampe. Pour nous rappeler que c’est nous qui détenons le pouvoir de notre propre vie. Que nous, nous sommes encore en vie. Ils aiment nous le rappeler amèrement, jalousant ce fait. Mais parfois, ce ne sont pas des anges… Si les anges existaient, ils empêcheraient les déchets de la nature de s’immiscer dans le quotidien des humains, et les maladies d'empoisonner les êtres injustement. A la place, ils laissaient le chaos régnait comme un maître. Où est-il donc son ange gardien et comment a t-il pu laisser cette enfant naître avec cette grave maladie ? Il n'existe pas tout simplement...

Devant sa page vierge de son journal intime, installée sur un fauteuil, près du rebord de la fenêtre de sa chambre, Ninon resta muette. Son stylo à la main, sa seule envie était d'écrire ses sentiments, ses impressions, ses sensations, sa joie et sa tristesse. Sa vie. D'un mouvement gracieux, elle le leva. Son stylo fin se met à tapoter avec délicatesse le blanc du papier et perdue dans ses pensées, elle se remémora sa vie.

Tout commençait un jour de pleine lune, alors que le vent fouettait sadiquement les branchages des arbres et les malheureuses feuilles qui se trouvaient sur son passage. Tempétueux, il démontrait de sa haine en soufflant effrontément sur le Monde. Le Monde qui se révélait être Bordeaux pour les habitants de cette ville. Mais revenons-en à nos moutons, voulez-vous. Je sais bien que les dérivations ne sont que de mon fait, pas besoin de me regarder ainsi.

Ce jour, dont je vous parlais... Il vit naître des enfants. Partout dans ce nouveau monde. Le Monde réel. Plusieurs pays. Mais un seul bambin nous intéresse, n'est-ce pas ? Si vous voulez que je vous conte l'histoire de l'humanité, l'histoire du monde, je l'aurai fait, mais ce n'est pas pour ça que je suis là. Vous connaissez déjà l'histoire, n'est ce pas?

Naître un soir de pleine lune le six juin à six heures du matin n’est pas quelque chose d’extraordinaire, en soi. Après tout, on ne choisit pas le jour ni l'heure de sa propre naissance. Mais pour la jeune femme, c’était un signe, quelque chose qu’elle avait depuis la naissance. Mais surtout qui ne sait pas que le nombre 666 est le nombre du diable ? Comme un destin prédestiné ou alors juste une coïncidence peu banale…


Ninon Alejandra Lecomte vit le jour, le six Juin en pleine nuit, dans une clinique privée à Bordeaux. Elle ne manqua jamais de rien, à dire vrai. Ses parents faisaient partie des gens privilégiés. Son père, William Lecomte, était un producteur renommé en France et sa mère, Amaria Alcarraz Lecomte, ancienne mannequin, avait sa propre galerie d’art en France. En revanche, ils étaient souvent en déplacement et donc très peu présents. Celle-ci fut remise dans les bras d’une nourrice, Maya McAdams, qui s’occupa d’elle comme s’il s’agissait de sa propre fille. Ce fut d’ailleurs une des rares personnes pour laquelle Ninon témoigna autant d’affection et de sympathie.

Mise à part qu'elle est atteinte d'une analgésie congénitale depuis sa naissance, Ninon vécut donc dans les paillettes, les poupées et le luxe. Tout semblait lui sourire, jusqu’à ce que Maya meurt d’un accident de voiture alors qu'elle n'avait que quinze ans. Depuis ce soir-là, elle se sentit terriblement seule. Elle réalisa à quel point sa vie n’avait pas de sens. Son avenir était déjà tout tracé ; elle n’avait qu’à choisir entre les salles d’opération puantes et les couloirs interminables dont les murs étaient recouverts d’affreuses « œuvres d’art ». Non, ça n’était pas le futur dont elle rêvait. Elle ne voulait pas devenir comme ses parents. Oui, ses parents qui l’avaient laissée de côté durant toutes ces années à cause de sa maladie. Ces ignobles êtres humains qui lui avaient souhaité son anniversaire une fois sur deux. Il aurait mieux valut pour eux qu’ils ne lui donnent pas la vie, si c’était pour la priver de leur affection par la suite. Elle n'était pour rien si elle était atteinte d'une grave maladie rare.

Auraient-ils été capables de lui citer seulement un de ses petits amis ? Une de ses meilleures amies ? Une anecdote mémorable ? Sûrement pas. Ils ne savaient strictement rien sur elle, la vie qu’elle menait et les gens qu’elle fréquentait.

Depuis toute petite, Ninon était folle de tout ce qui s’accordait avec le verbe « écrire ». Elle avait à peine 6 ans quand elle composait déjà de petites histoires accompagnées de dessins mignons. En grandissant, cette passion s’était développée jusqu’à devenir ce qu’elle souhaitait faire plus tard. Oui, et c’était ça et uniquement ça qu’elle voulait faire de sa vie. Elle n’opérerait personne et ne peindrait aucuns chefs d’œuvres ratés. Pour Ninon, elle ne voulait pas de cette vie qui était pratiquement toute tracée. Elle voulait faire ce qu'elle aimait et surtout être son propre maître. Elle voulait devenir Ecrivain.


Bien que la jeune fille possédait tout ce que son cœur pouvait désirer, une chose lui manquait, des parents, les siens. Ninon vivait dans une cage dorée plus grande que les maisons des individus de revenus moyens. Ses parents croyaient à tort que cela suffisait à la rendre heureuse, disons simplement qu’ils ne pouvaient lui en offrir plus. Son adolescence ne fut pas beaucoup plus amusante que son enfance, même routine, même malheur. Elle a pas mal voyagé, possédait des vêtements haute couture à la mode et tous et tous. Mais est-ce là tout ce qu’une jeune fille de bonne famille souhaite de la vie? Placée dans une école privée pour fille de riche dès l'âge de cinq ans, Ninon fuyait ses semblables afin de se soustraire à leurs moqueries. Les jeunes peuvent faire preuve de grande méchanceté devant la différence. Quand on a une tête de mouton noir à cause d'une maladie, cela nous suit toute notre vie.

Studieuse, la petite Ninon réussissait chaque année à décrocher la bourse du mérite, accordée seulement à une poignée d’élèves. Ce qui lui permit de s’asseoir sur les mêmes bancs d’écoles que ceux ayant conservés leurs deux parents en étant aimés et choyés. Elle enviait ceux qui vivaient la vie qu’elle aurait aimé avoir sans pour autant leur rappeler leur chance. Tant bien que mal, Ninon essayait de se faire accepter mais dès que sa situation venait à être évoquée, sa popularité redescendait à zéro. Habituée à cette solitude, son visage restait stoïque face aux attaques verbales pourtant ses émotions se lisaient sur les traits de son visage mais jamais elle ne craqua, se jurant qu’un jour, elle aussi aurait une utilité sur cette terre. Elle n'était qu'une très jeune adolescente et bien que le monde ne lui faisait pas de cadeau, elle se montrait forte. De la maternelle à la primaire, c'était le même refrain.

Son désir de comprendre à commencer très tôt dans sa jeunesse. Souvent laissé de côté par les membres de sa famille, ses supposés amies ou de simples rencontres, elle s'est acharnée à trouver la raison pourquoi les gens en général pouvait se montrer aussi odieux envers quelqu'un. Dès son entrée à la petite école, Maya traînait toujours avec elle son petit carnet d'amitié où elle transcrivait les nombreuses amitiés passagères qu'elle vivait chaque jours. Son carnet était rempli de noms qui n'ont été que pour elle que de petits moments de joie avant de les perdre à jamais. Les gens l'oubliaient facilement ou vue sa réputation, il essayait peut-être de l'oublier malgré eux. Une fois qu'elle termina la petite école, elle fit brûler le petit carnet. C'était pour elle un sentiment de liberté de laisser partir toutes ses fausses amitiés, toute cette hypocrisie qu'est l'amitié des enfants.

Au collège, à l'avant dernière année, ce fut une tout autre histoire. Son apparence avait changé et elle ne passait plus aussi inaperçue que dans le temps. Elle se trouvait à bon port avec toutes ses nouvelles amies et une confiance surprenante qu'elle avait pour elles. Cela dit, l'amitié comporte des hauts et des bas et son instinct de comprendre l'humain était plus fort qu'elle. Parfois, le fait de vouloir comprendre agissait comme un couteau à double tranchant, elle perdit plusieurs amies et elle était de retour à la case départ..la case de la confusion.

Pendant ses années scolaires, Ninon avait été une excellente élève, toujours prête à travailler, ouverte, et curieuse d'apprendre. Elle avait toujours su se débrouiller, sans ses parents. Personne ne l'aidait à faire ses devoirs. C'est ainsi qu'elle avait appris à ne dépendre de personne après la mort tragique de sa défunte nourrice.

Les années du collège passèrent et son entrée au lycée débuta la fillette devint une belle jeune fille. Pendant les trois années qui suivirent, toujours aussi avide d’apprendre, elle obtint son bac à 18 ans avec mention et entra à l’université  où elle suivit la section d’histoire doublé de la section des langues et Littérature. Ninon maîtrisait à la perfection l’espagnol et pratiquait plutôt bien l’anglais aussi. Passant tout son temps entre ses livres, elle obtint la double licence LEA (en anglais) et histoire.

Au lycée, n'ayant pas conscience de son pouvoir d'attraction, Ninon remarqua que beaucoup de jeunes hommes issus de la haute société la courtisait. En cours ou en soirée. Ce fut la période des flirts sans que les romances dépassent les baisers. Evidemment, des garçons avaient déjà tenté de l'attirer au lit mais Ninon avait toujours refusé.

C'est durant ses études à l'université qu'elle fit la rencontre de Lucas, un jeune étudiant du même âge, dix-neuf ans, possédant un charme ténébreux. Quelle fut sa surprise quand elle sut qu'il était atteint d'une analgésie congénitale depuis sa naissance. Dès les premières minutes, l'entente entre eux grandissait au fur et à mesure. Les jours à venir, ils ont passé beaucoup de moments ensembles. Ils s'entendaient à merveilles. Lucas était devenu son meilleur ami, son grand frère qu'elle n'avait jamais eu. Le lien entre eux était fort car ils ont eu à peu près le même parcours difficile.

Pendant deux ans, ils ne se quittèrent plus, ils sortaient avec d'autres amis, ils étaient inséparables. Jamais Ninon n'avait eu une telle relation, et elle en était heureuse. Elle ne voyait plus sa vie sans lui. Lucas était seulement un ami sur qui elle pouvait compter et il n'y avait rien d'ambiguïté dans leur relation. Jamais, elle ne serait doutée qu'elle allait le perdre tragiquement...

Trois ans plus tard, à Acapulco

Assise sur un banc, Ninon peut y rester toute une journée à regarder les gens passer et à essayer de comprendre l'humain. C'était son petit plaisir. Malgré les caprices de Mère nature, jamais elle ne manquait son rendez-vous hebdomadaire sur ce banc de parc où elle analysait sans cesse l'espèce humaine. Comme cela, c'est un véritable passe-temps pour elle. Eux ne la voient pas, mais elle oui et elle note dans un creux de sa mémoire les moindre petits détails qu'elle remarque : un grain de beauté étrangement placé, une cravate mal nouée, etc. Si une chose l'a toujours fascinée, ce sont bien les personnes qu'elle observe silencieusement et qui passent le plus clair de leur temps à ouvrir la bouche pour discuter sans cesse de leurs petites vies monotones...

Cela faisait trois ans qu'elle avait quitté la France car ses parents avaient insisté qu'elle aille dans une clinique au Mexique, plus exactement Acapulco. Une clinique spécialisée pour sa maladie. Dès le début, Ninon avait été une ombre, inconsolable depuis la mort de son meilleur ami. Elle ne souriait plus, elle passait son temps à pleurer en silence, à s'enfermer sur elle-même. Un homme lui rendit le sourire, et combler le vide dans son cœur. Elle fit la rencontre du Docteur Mads Hempstead. Dès le premier regard, Ninon est tombée sous le charme, presque fascinée. Il était son médecin, et il n'était pas question pour elle qu'elle succombe au charme de cet homme, aussi séduisant soit-il.

Durant tout son séjour à l'internat de la clinique, Mads fut un grand soutien pour elle. Il était dévoué, attentif et à l'écoute de sa patiente. Se confier à lui, lui avait fait un bienfait. Sans pouvoir s'en empêcher, et au fur et à mesure, Ninon s'était aperçue qu'elle éprouvait des sentiments forts pour cet homme. Comment pourrai t-elle lui avouer alors que c'était déconseillé, mal vu entre un médecin et sa patiente.

A la sortie de son séjour à la clinique, Ninon resta à Acapulco pour continuer ses études et de rester au près de Mads. L'homme de ses pensées, l'homme dont son cœur battait à tout rompre.

Il fallut trois ans à la jeune femme pour faire son deuil de son meilleur ami, Lucas. A la sortie de son séjour à la clinique, Ninon a continué ses études pour obtenir d'une licence des Lettres Modernes. Actuellement, elle est à sa deuxième année, elle finit par une place à la Bibliothèque municipale de la ville. Un travail qui la ravie.

Ninon ne sait pas ce que l'avenir lui réserve, si elle allait vivre comme elle souhaite, si elle allait avoir une vie normale. Elle avait une peur terrible de l'inconnu et de son avenir. Elle aimait tellement Mads mais elle ne voulait pas faire souffrir ce dernier. En aucun cas. C'était pour cette raison qu'elle ne lui avouait pas ses sentiments. Il avait déjà perdu un fils, il avait souffert et elle ne voulait pas être celle qui le fasse souffrir une nouvelle fois. C'était un homme bon qui méritait d'avoir une vie normale et heureuse avec une femme normale, qui ne va pas se briser en milles morceaux au moindre au coup de vent...